Michel
Louvain

 Michel Louvain

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Parcours

Notes biographiques
Nom véritable Michel Poulin 
Aussi connu sous Mike Mitchell, Mike Poulin, Michel Paulin  
Naissance 1937-2021   
Carrière professionnelle 1956-2021   

On peut affirmer, sans crainte de se tromper, que Michel Louvain est la première vedette pop québécoise lancée selon les critères modernes du star-system à l'américaine. Son arrivée dans le paysage musical, à la fin des années cinquante, coïncide à la fois avec la déferlante du rock'n roll et l'émergence de cet art populaire qu'on nommait alors la Chanson canadienne. S'il ne s'identifie pas formellement au premier, il en présente pourtant les symptômes: émeutes à certains de ses spectacles, évanouissements, controverses entre les anciens et les modernes. Pour la seconde, il est un contemporain et une locomotive, suscitant chez les radiodiffuseurs un engouement pour la production locale et de nombreuses vocations, le tout au moment où se multiplient les maisons de disques indépendantes, à l'initiative de jeunes entrepreneurs québécois.

Michel Poulin fait ses premiers pas dans le monde du spectacle en se joignant à un orchestre de danse de sa ville natale, Thetford Mines, où il prend bientôt la relève de son frère, André Roc, parti faire carrière dans la Métropole. À l'exemple de celui-ci, Michel s'est d'ailleurs doté d'un premier pseudonyme: Mike Mitchell. Il lui arrive aussi d'utiliser le nom de Mike Poulin.

Le 18 octobre 1956, il se présente à l'émission Café-Express à CHLT-TV, canal 7, à Sherbrooke. Ce premier passage au petit écran lui vaudra une invitation à se joindre à l'orchestre attitré de l'Hôtel Union, également situé à Sherbrooke, sous la direction de Marcel Robitaille. C'est à titre de musicien-chanteur et sous le nom de Michel Paulin qu'il livre alors ses chansons dansantes tout en pinçant les cordes de la contrebasse, clause syndicale oblige.

Pendant un séjour de quelques mois dans la région montréalaise, son futur impresario le voit à l'oeuvre sur la scène de l'Hôtel Central à Saint-Martin, où le jeune Poulin s'est vu offrir son premier véritable contrat à titre de M.C. chantant. Il lui prodigue quelques conseils d'usage, lui donne rendez-vous et l'amène bientôt en studio enregistrer deux chansons en vue de graver un premier disque. Entre temps, le chanteur se rend à Québec, son agent Johnny Reed lui ayant trouvé un engagement Chez Gérard, le cabaret en vogue de la Capitale.

Le rôle de présentateur permet à Michel de se produire chaque soir et d'enrichir son répertoire au fil des semaines et des mois. Devenu Michel Louvain, nom évocateur et auréolé du prestige de l'Ancien Continent, à l'instar de la ville belge du même nom, celui-ci. Mai 1958, le téléphone sonne à l'Hôtel Victoria, rue Saint-Jean: le populaire animateur de radio Saint-Georges Côté invite le jeune interprète à participer le samedi suivant à l'édition 1958 du Gala des Splendeurs. L'événement qui réunit le gratin de la colonie artistique et de la société civile est télédiffusé exceptionnellement du Colisée de Québec, en cette année marquant le 350e anniversaire de la Cité de Champlain. Entre deux présentations des invités du jour, Louvain se rend sur place en taxi, entonne "Buenas noches, mi amor" et retourne prendre ses fonctions Chez Gérard. C'est le quart d'heure qui change une vie... et lance une carrière!

Cette chanson, l'une des deux gravées sur ce premier disque 78 tours, comme le seront les quelques enregistrements suivants, était apparue sur le marché quelques semaines plus tôt. Preuve de l'impact d'une présence à ce qui est alors l'unique canal offert par ce nouveau média: en juin, la chanson se classe au sommet du palmarès en Beauce tandis qu'elle se rend en quatrième position à Québec, en Mauricie et dans les Maritimes, selon la compilation régionale de la maison Publi-Sondages Ltée effectuée justement en date du 3 mai 1958. Le titre figure également au top 10 en Abitibi (7), à Hull-Ottawa (9) et dans le Grand Montréal (7) selon la même compilation. En juin, le consensus s'étend à l'ensemble du Québec et "Buenas noches, mi amor" demeure au sommet jusqu'en août 1958.

Un second titre, "Lison" s'empare des ondes en septembre et inaugure la fructueuse séquence des prénoms en chansons, phénomène auquel l'artiste collaborera à plusieurs occasions. Pour terminer l'année, quatre pièces sont enregistrées en compagnie de La Symphonie Vocale de la Fraternité des Policiers de Montréal et du chanteur basse André Bertrand. Les titres "Adeste fideles" et "Sainte nuit" de Louvain sont proposés à la fois sur 45 et 78 tours.

Un premier album complet mettant en vedette la sensation de l'heure paraîtra finalement début 1959. La plupart de ses chansons sont de l'école des chanteurs de charme, tout en présentant une orchestration moderne, grâce à la touche commerciale du réalisateur Pierre Nolès, souvent parolier et parfois compositeur de certaines de ses chansons.

La nouvelle idole de la jeunesse est désignée Artiste du disque canadien le plus populaire par les lecteurs et lectrices de Dis-Q-Ton. Le verdict est sans appel: 7 441 votes apportent leur soutien à Michel Louvain tandis que le second candidat n'affiche que 874 appuis! Du côté féminin, la palme va à Rina Ketty avec 4 522 voix. L'année est aussi marquée d'une première tournée québécoise, sous les auspices du célèbre Jean Grimaldi; et d'un voyage en Europe, en novembre. À Québec un spectacle d'adieux (d'au revoir serait plus approprié!) est organisé au Palais Montcalm. Devant la foule compacte qui bloque toutes les issues, policiers et pompiers doivent évacuer l'artiste par les toits. On retrouve sur 45 tours cette année-là: "Tu n'as pas compris", "Dors mon amour", "Aye! mourir pour toi" et "Pardon". Dans les faits, le séjour parisien de son poulain a pour but de profiter des studios de la Ville-Lumière et d'offrir un peu de répit à l'artiste. Celui-ci y enregistrera les quatre titres qui manquent à son second album "Ici Michel Louvain", sous la supervision du chef d'orchestre Armand Migiani: "Monsieur Liszt", "Crédo d'amour", "Linda" et "On s'amuse à l'amour".

Le retour à la maison est l'occasion de manifestations démonstratives de la part des fans et de passages fort médiatisés à la télévision dont le Club des autographes et Music-Hall. Suivent bientôt de nouveaux succès "Linda", "Mélancolie", "Louise"... Un fan club est fondé. En février 1960, CKAC tient un premier Gala du disque canadien dont les deux Grands Prix vont à Germaine Dugas (auteure-compositrice-interprète) et à Michel Louvain (interprète). À l'automne, ce dernier retourne à Paris, cette fois pour y chanter. L'expérience se résume toutefois à une semaine à La tête de l'art, en première partie du chanteur Mouloudji.

Alors que Michel récolte à nouveau le Grand prix du disque canadien CKAC pour "Un certain sourire", on retrouve son nom à l'affiche du All Star Dance Party au Palais du commerce, à Montréal, à la mi-avril. Il y partage la vedette avec l'artiste américain Buddy Knox. À quelques occasions, l'artiste aura l'opportunité de participer à de tels programmes internationaux dont le Show of shows de CJAD, au printemps 1964, aux côtés de Lorne Greene, Mitch Miller, Jane Morgan, Colette Boky, Jerry Vale et du groupe folklorique les Raftmen, le tout au profit des enfants handicapés. 1964 est aussi l'année où le chanteur se voit décerner le Prix Orange, remis par les représentants des médias à l'artiste le plus aimable.

En pleine époque yé-yé, Michel Louvain connaît de nombreux succès sans sacrifier aux guitares bruyantes mais propose plutôt des titres comme "Plus je t'entend", "Auprès de ton coeur", "Pourquoi donc as-tu brisé mon coeur", "Magali. Le 5 juin 1965, le Gala des artistes couronne Michel Louvain et Margot Lefèvre Monsieur et Miss Radio-Télévision. Les deux artistes lanceront quelques semaines plus tard un album commémporatif: "Gala 65 avec Margot et Michel", enregistré à Nashville et commandité par Coca-Cola.

Au fil des enregistrements, un interprète développe généralement des affinités avec certains auteurs-compositeurs. Dans le cas de Louvain, s'il puise régulièrement au répertoire français, il compte aussi sur des collaborations suivies avec l'auteure-compositrice Cécile Coulombe ("Tu n'as pas compris", "Obsession"' "Ma vie lui appartient"), l'artiste suisse qui résidera plusieurs années au Québec Pierre Dudan ("Ami amie", "Mélancolie", "Le vieux manoir" en plus du populaire "Clopin clopant") et le prolifique Pierre Nolès qui alimente aussi plusieurs artistes de la maison Apex: Donald Lautrec, Pierre Lalonde, Ginette Sage, Ginette Reno, Denise Brousseau, etc. Le titre le plus mémorable que Nolès signe pour Michel Louvain est bien entendu "Sylvie", chanson qui sera reprise par divers artistes de passage au Québec, tels les Del Campo Twins et Los Isleños Trio. Nolès sera également l'auteur de plusieurs autres titres au fil des ans.

Parallèlement à sa carrière de chanteur, Michel Louvain s'est souvent fait animateur à la télévision. Dès l'été 1963, il est l'hôte de l'émission hebdomadaire Sous le ciel de Montréal, une continuité entièrement tournée en extérieurs, chose plutôt rare à l'époque, en compagnie de Lise Watier. Suivront Ciel d'été, Nous les amoureux et Formi... formidable. Cette émission gardera l'antenne pendant deux ans, en 1966-67 et en 1967-68.

En 1966, le département des ventes de la maison Apex souligne le pressage du millionième disque portant le nom de Michel Louvain. Il s'agit sans doute d'un exemplaire de "Plaisirs de la nuit", chanson qui domine les palmarès des deux côtés de la frontière, l'original étant le succès "Strangers In The Night" qui marque le retour de Frank Sinatra au sommet du hit parade, exactement 11 ans après son précédent # 1 qui remontait à... 1955. Quelques semaines plus tard, Michel récidive avec un autre titre de Sinatra (père et fille) en compagnie de Dominique Michel: "Je t'aime", version de "Somethin' Stupid".

La fin des années soixante apporte plusieurs changements dans le monde du disque et de la chanson pop. Bien qu'il connaisse encore des succès au palmarès avec "Poupée de bonbon", "C'était notre chanson", "Souvenir" ou la reprise de "Sayonara" d'Hervé Villard, Michel Louvain est devenu un artiste dont la carrière se conjugue surtout à 33 rpm. "Rarissimo", une nouvelle initiative de Coca-Cola réunissant cette fois Michel et Michèle (Richard) paraît au tout début '68 et sera suivi, à l'automne, d'un nouvel album à saveur fortement hawaïenne: "Souvenirs exotiques" où il reprend, entre autres standards, la populaire "Yesterday" des Beatles, devenue "Je croyais".

Les années soixante-dix voient le jeune crooner (il n'a pas encore quarante ans) se réorienter vers un public différent, se produisant notamment dans des endroits de villégiature ou de nombreux Québécois séjournent, le temps d'une période de vacances ou pour agrémenter leur retraite. Ses engagements l'amènent donc de plus en plus fréquemment sous des cieux exotiques, de Puerto Rico à Miami en passant par Acapulco. Quelques années plus tard, le chanteur choisira d'ailleurs le nom de Rico lorsqu'il se laissera tenter par l'idée de lancer sa propre étiquette de disques. La décennie est surtout marquée par le succès imprévisible de "La dame en bleu", adaptation par Christine Charbonneau d'un succès du chanteur Irlandais Joe Dolan "Lady In Blue". Cette reprise d'un titre méconnu deviendra son plus gros succès en carrière, au chapitre de la diffusion radiophonique, si ce n'est en ventes de singles.

La suite de sa carrière, si elle prend une allure plus sage, est surtout marquée par les anniversaires majeurs. De ses vingt ans de carrière, en 1977, à aujourd'hui, on remarque la réunion des Trois L (Lalonde, Lautrec et Louvain) puis la super-tournée de 1982, alors qu'au moment d'entreprendre une série de spectacles qui devait le mener de la Place des Arts au Grand Théâtre de Québec en passant par une quantité impressionnante de villes du Québec, Michel emprunte un des succès ultimes de Tino Rossi pour en faire, moyennant un léger changement comptable, sa chanson de fermeture: "25 ans d'amour". L'événement fait l'objet d'un album-souvenir "Michel Louvain 1957-1982". Au même moment, paraît le récit biographique La chanson, c'est ma vie, sous la plume d'André Boulanger (l'auteur-compositeur Anbou,), aux éditions Héritage+Plus.

Son goût pour l'animation télévisée en direct refait surface au milieu des années quatre-vingt et donne lieu à l'émission De bonne humeur, diffusée quotidiennement sur les ondes du réseau TVA, entre 1986 et 1992. Celle-ci sera suivie de Louvain à la carte, à l'antenne de Radio-Canada sur l'heure du midi, pour les saisons 1994-95 et 1995-96. Sans oublier l'animation du gala annuel du Téléthon pour la Dystrophie musculaire, cause pour laquelle il s'est impliqué à partir de 1983, pendant de nombreuses années.

En 2007, le célèbre Thetfordois entreprend une nouvelle tournée anniversaire à l'occasion de son jubilée d'or, juste au moment ou paraît "L'anthologie: 50 chansons", réunissant l'essentiel de ses enregistrements Apex, étiquette ressuscitée par la multinationale Universal fusionnée à MCA, en collaboration avec XXI. On ne s'étonnera pas que Louvain ait maintenant coopté le texte intégral de Rossi "50 ans d'amour".