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Une électrisante célébration de la danse

Une collaboration de Jean-Marc Gaudreau

5 mai 2007 (QIM) – Les Grands Ballets Canadiens de Montréal étaient de passage à Québec, le lundi soir 23 avril, pour clore la saison de Extrêmement danse 06_07, avec deux chorégraphies créées spécialement pour eux. Cette troupe, fondée il y a déjà 50 ans par Ludmilla Chiriaeff, s'est donnée pour mission de populariser le ballet sous toutes ses formes et, à en juger par les réactions du public de cette soirée, c'est mission accomplie.

Avec "TooT", la chorégraphe hollandaise Didy Veldman questionne l'autonomie réelle d'un individu dans la société, en s'appuyant sur la "Suite pour jazz no 2" de Dmitri Chostakovitch, ce compositeur russe qui dû subir les brimades du régime stalinien et composer pour plaire au parti, en luttant pour ne pas y perdre son individualité. À cette musique clownesque viennent s'intercaler des interprétations du "Balanescu Quartet", musique qui par son contraste nous fait alterner entre le monde de la collectivité et celui de l'intériorité.

Tout au long de cette chorégraphie, les interprètes tentent de répondre à cette question: « Faut-il perdre son individualité pour devenir un citoyen ». La scène de la fameuse valse, bien connue depuis que Stanley Kubrick s'en soit servi pour son film Les yeux grands fermés (Eyes Wide Shut), est particulièrement éloquente. L'on y voit un danseur dictant dans un porte-voix les gestes à poser à des danseurs et danseuses de plus en plus indisciplinés, se laissant aller à leur créativité et allant même jusqu'à renverser « le dictateur ». Qu'au-delà de la simple exécution, ces quinze interprètes parviennent à nous faire ressentir autant d'émotions, voilà qui témoigne de la grandeur de leur talent.

Pour sa part, Stijn Cellis nous propose son regard critique sur l'institution du mariage. Regard critique étant un bel euphémisme, tant cette oeuvre du chorégraphe belge est loin d'en constituer une apologie. Des mariées toutes de blanc vêtues affrontent d'impitoyables mariés habillés en noir, sur les rythmes effrénés de "Noces" une oeuvre du compositeur russe Igor Stravinsky.

Les passages où les interprètes évoluent tous en même temps dans des chorégraphies complexes sont tout simplement électrisants. C'est une chorégraphie qui nous communique allègrement le goût de la danse, mais pas celui du mariage! Cette vision dissonante (comme la musique de Stravinsky) constitue elle aussi une interrogation de la vie en société, avec ses rites et ses fêtes. Comme le mentionne Fernand Schirren dans les notes du programme « La fête, qu'elle soit sacrée ou profane... en toutes ses formes, refoule la mort (Le rythme primordial et souverain) ». Et c'est un peu de ce « danser pour ne pas mourir » que je conserve de cette soirée.

La troupe reviendra en décembre 2007 pour nous présenter leur version du ballet Casse-noisette de Tchaïkovski et en avril 2008 avec une soirée consacrée au chorégraphe israélien Ohad Naharin.