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Roméo et Juliette ou l'innocence sacrifiée

Une collaboration de Jean-Marc Gaudreau

15 mai 2007 (QIM) – En ce renouveau printanier, les inconditionnels de l'opéra et du bel canto avaient rendez-vous avec l'amour et la passion, la semaine dernière. L'Opéra de Québec présentait "Roméo et Juliette" du compositeur français Charles Gounod, au Grand théâtre de Québec.

Dans les grands rôles, de talentueux interprètes, dont le ténor Frédéric Antoun, en Roméo, la soprano Charlotte Corwin, en Juliette, le ténor Michel Corbeil en Tybalt, le baryton Étienne Dupuis en Mercurio et la mezzo-soprano Sonia Racine en Gertrude. En tout, douze solistes accompagnés d'un choeur mixte de 40 interprètes, placé sous la direction du chef de choeur Réal Toupin.

Frédéric Antoun et Charlotte Corwin sont parfaitement crédibles dans les rôles-titres. Ils ont non seulement le physique de l'emploi mais respirent la jeunesse et la passion. Charlotte Corwin a une belle voix séduisante, qui demande à être encore un peu travaillée afin de parvenir à plus de souplesse et d'aisance notamment dans les passages à l'aigu. Frédéric Antoun semble éprouver lui aussi des difficultés avec les aigus, mais parvient à chanter avec beaucoup de lyrisme les scènes intimistes. Il faut aussi déplorer un certain manque de justesse dans l'articulation qui demande à l'occasion au spectateur de consulter le panneau lumineux au-dessus de la scène, pour bien saisir le texte chanté. Ces désagréments, loin de gâcher l'ensemble viennent cependant amoindrir le plaisir du mélomane.

Les trop courts passages de la basse Alexander Savtchenko nous font regretter que Shakespeare n'ait pas écrit un rôle plus substantiel pour Frère Laurent, tant cet artiste originaire d'Ukraine est parvenu, avec sa belle voix grave, à créer des instants magiques. Idem pour les choristes et les danseurs qui prennent une part active au déroulement de l'intrigue. L'engagement de tous et chacun nous offre des moments mémorables dont le plus beau restera pour moi la scène du duel entre Tybalt et Mercurio.

La mise en scène est confiée à Jean Grand-Maître, qui en était à sa première expérience dans ce domaine. Transposant son expérience de chorégraphe, il a su bien utiliser l'espace scénique, en recourant simplement à quatre hautes tours mobiles, pour nous rendre vivant et dynamique chacun des cinq actes de cet opéra. Comme il le confiait en entrevue, ce drame shakespearien représente pour lui l'innocence sacrifiée, un thème qui demeure d'une criante actualité. Et au fur et à mesure du déroulement de l'oeuvre, on se sent interpellés par cette idée de la nécessité du sacrifice individuel pour le bien de la communauté.

Un mot en terminant sur le travail du chef d'orchestre Jean-Marie Zeitouni avec les musiciens de l'Orchestre symphonique de Québec. Sous sa baguette, l'orchestre nous rend fidèlement la partition, même s'il faut déplorer certains passages un peu trop tonitruants pour les besoins de la cause, donnant un petit côté wagnérien inapproprié à l'oeuvre. Mais nonobstant cela, il nous a donné à entendre une belle musique, romantique à souhait.