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Bori en harmonie avec le cosmos

Un commentaire de Roger T. Drolet

2 mars 2008 (QIM) – Les planètes étaient parfaitement alignées, ce mercredi 20 février, alors que Bori, le personnage de l'ombre, apparut sous tous ses feux, devant un public conquis réuni en la salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre de Québec.

L'artiste qui a un attachement particulier pour cette ville, donne actuellement rendez-vous à ses fans, après une période de questionnement professionnel. Mais n'en doutez pas, l'ancien golfeur réussit comme à l'habitude à dépayser chaque spectateur et à se balader dans divers styles musicaux en mélangeant poésie, mime, tendresse, humour et musiques plus rythmées avec un savoir-faire incontestable.

Pourtant, ses apparitions sur scène sont sans doute moins nombreuses qu'elles le devraient même si sa production discographique est assez fournie. Le statut d'artiste cachant sa véritable identité semble bien précaire au pays du Québec!

Il y a quatre ans, j'ai eu l'opportunité de voir deux représentations de l'auteur-compositeur à Québec et à Paris à quelques semaines d'intervalle et je croyais que la carrière internationale de Bori démarrait vraiment, tant la mise en scène et la qualité des interprétations rompaient avec les traditionnels tours de chants des artistes même les plus populaires. Je me disais qu'il était impossible que l'amalgame fraîcheur/profondeur au plan des propos et de la manière ne soit pas apprécié d'un très vaste public. Et je le crois encore!

Sous la direction musicale de Jean-François Groulx, quatre autres excellents musiciens, deux choristes et même un comédien-acrobate très particulier (Luc Tremblay), Bori enchaîne plus de deux heures de titres en partie issus de ses disques, dont le plus récent "Dans ce monde poutt poutt". Mais, en invitant ces autres artistes qu'il aime beaucoup et qui le lui rendent bien, le centre d'attraction de la soirée se retire à quelques reprises de la scène et leur laisse l'occasion de se faire valoir. Ainsi, les deux choristes chantent leurs compositions et on a même droit à un duo remarquable des pianistes Groulx et Sadowy qui se lancent dans une impro flamboyante sur le thème de "Caravan", ce vieux titre de Duke Ellington.

Quant au chanteur Bori, il enchaîne ses créations avec la voix chaude et émouvante qu'on lui connaît, sans pratiquement les présenter, mais cela n'est nullement nécessaire. Le superflu laisse la place l'essentiel et jamais, au cours de la prestation, le public ne sent d'opération de racolage. Sa façon de surprendre les oreilles et les yeux des spectateurs démontre un grand sens artistique qui est trop souvent remplacé de nos jours par un goût excessif de la performance au détriment du contenu véritable.

Permettez-moi de vous révéler mon moment préféré de la représentation: la pièce d'ouverture de la seconde partie, un chant a capella qui nous branche avec le temps de nos ancêtres intitulée "Mon frère", chanson d'une drôlerie désespérante. Découvre-t-il enfin son visage l'Edgar? Termine-t-il son monde poutt poutt devant un orchestre symphonique sorti de nulle part? ne comptez pas sur moi pour vous le révéler...

Si nous avions vécu à l'époque de Jacques Cartier, on aurait pu croire que c'était Bori qui avait provoqué cette magnifique éclipse lunaire qui assombrit le satellite de la terre juste au moment où l'artiste découvrait enfin son visage en scène pour la toute première fois en plus de quinze ans de carrière. Mais nous sommes en 2008 et personne ne croît plus à un pouvoir surnaturel que quiconque aurait sur les astres. Mais peut-être cette coïncidence cosmique est-elle un bon présage pour l'artiste qui sera bientôt en sol européen où il pourra sans doute conquérir de nombreux adeptes par la haute qualité de son art. Je me surprends à lui souhaiter une rencontre fortuite avec Guy Laliberté. Ce jour-là, le monde ne sera plus assez vaste pour Edgar!

Courez voir ce spectacle, et si, par chance, c'est un soir d'éclipse lunaire (ou de pleine lune) vous serez vraiment privilégié!