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Première: Le Blues d'la Métropole à Montréal

Une collaboration de Françoise Cadieux et de Richard Seers

13 avril 2010 (QIM) – La comédie musicale Le blues d'la Métropole, dont la première eut lieu au Théâtre Saint-Denis de Montréal le 7 avril dernier, nous ramène en 1976 alors que Beau Dommage est au faîte de la gloire... Le metteur en scène Serge Denoncourt nous propose un clin d'oeil à cette époque où les boomers devinrent adultes! Un bon flash-back festif où il ne manque, et encore, que quelques effluves de pot se mêlant aux chansons mémorables de ce groupe icône des années '70 au Québec. La salle est comble et le public ne boude manifestement pas son plaisir!

Le livret de Michèle Grondin et Louisa Déry, propose une série de tableaux illustrant plus d'une trentaine de chansons de Beau Dommage et s'articulant autour du chassé-croisé de trois jeunes couples très flower power. Portée par une troupe de jeunes comédiens et comédiennes dans la vingtaine, peu connus du grand public pour la plupart, qui entourent un Normand D'Amour bien installé dans le rôle d'Yvon, aspirant joueur du Canadien devenu propriétaire d'une brasserie dans Villeray à Montréal. C'est là où se retrouve la « gang » très souvent quand l'un ou l'autre de ses membres n'évolue pas dans l'un des différents décors urbains magnifiquement inspirés par les chansons de Beau Dommage. Le blues d'la Métropole, ce sont des gars et des filles naviguant entre les amours et les amitiés, qui se découvrent, ou se déchirent, et se refont à nouveau.

Le spectacle s'ouvre sur "Tous les palmiers" dans une rue de Montréal très justement évoquée par deux grands escaliers de fer forgé si typiques de Montréal. Au milieu, comme sur un grand panneau publicitaire, défilent des actualités de l'époque, des annonces de Kik Cola et des extraits des prestations des dynasties des années '50, '60 et '70 du Canadien dans ses années fastes. Les chansons se succèdent dans une scénographie fluide, intégrant parfaitement décors, éclairages et projections vidéo. Il n'y a, cependant, pas de véritable développement dramatique entre les personnages, quelques dialogues, souvent sommaires, faisant liaison entre les chansons, comme si l'histoire des personnages n'était qu'un prétexte à la présence de l'oeuvre musicale! Ce qui finalement a peu d'importance, dès le moment où on se laisse emporter par ces chansons interprétées avec brio et conviction!

La scénographie de Guillaume Lord est remarquable même si parfois les chansons se trouvent illustrées au premier degré, le décor collant de façon très réaliste au titre ou au texte. On retrouve cependant l'essence des titres de Beau Dommage exprimant l'urbanité québécoise de l'après révolution tranquille qui embrasse la modernité les bras grand ouverts, se débarrasse tant et si bien de sa chape de plomb et témoigne de cette génération lyrique, plus folle et débridée que les précédentes.

Denoncourt avait lui-même douze ans en '76 lorsqu'il est tombé en amour avec "Ginette". « J'ai fumé mon premier joint en écoutant "Le picbois"... Je me suis pris de passion pour Montréal grâce au "Blues d'la Métropole". Pour certains ce sont les Beatles, d'autres les Rolling Stones, pour moi c'est Beau Dommage qui a été la bande sonore de toute mon adolescence et encore aujourd'hui, leur musique me replonge dans ces années qui nous ont formés et marqués ».

Le blues d'la Métropole déroule en deux actes la représentation des chansons qui recoupent toutes les périodes du groupe: de "Amène pas ta gang" et "La complainte du phoque en Alaska" à "Incident à Bois-des-Filions" dans les années '70 en passant par "Tellement on s'aimait" lors d'un retour sur scène en '84 jusqu'à "Le retour du Flâneur" et "Tout simplement jaloux" du dernier disque de 1994. En tout 44 chansons, comprenant parfois de courtes reprises de quelques parties de chansons comme "Gisèle en automne" et "Montréal" à titre d'enchaînements. Le tout chanté avec des harmonies de voix justes et surprenantes, dirigées par Marie-Ève Riverin, qui rendent justice à l'oeuvre de Beau Dommage aux harmonies si caractéristiques! À noter aussi les chorégraphies enlevantes de Nicholas Archambault et Wynn Holmes dont la présence constante vient renforcer le rendu des chansons. Et bien évidemment la qualité des musiciens présents sur scène, sous la direction de Christian Péloquin.

"Ginette" a fait entrer la foule dans son cerceau, s'élevant au milieu de la scène en dansant « avec ses seins et ses souliers à talons hauts »! Un public ravi s'est aussi retrouvé dans le "Chinatown", déambulant sous la neige et les lampes chinoises, ou encore avec le "Picbois" dans une impressionnante forêt de bouleaux! Nous avons eu droit à une prestation émouvante sur un même thème avec "Heureusement qu'il y a la nuit", "Marcher tout seul la nuit sur une route de campagne" et "Rouler la nuit".

Enfin au bout de près de deux heures trente, le spectacle s'achève; la gang se retrouve dix ans plus tard, en 1986, à la taverne d'Yvon, maintenant prise en charge par son fils; des couples se sont formés, la vie les a rattrapés... mais tous ensemble entonnent en guise de grande finale, comme des vieux amis heureux de se revoir après tant d'années, la chanson "Tellement on s'aimait".

Et après l'accueil sur scène de toute la gang de Beau Dommage et des principaux artisans du spectacle venus rejoindre les comédiens et danseurs, nous, spectateurs, tous debout, sommes invités à participer à un nostalgique karaoke où nous chantons quelques unes des plus belles chansons du groupe. L'émotion est à son comble!

« Le temps se perd, le temps sépare, le temps nous vire à l'envers, mais le temps ne nous perdra jamais, tellement on s'aimait... » Au Théâtre Saint-Denis de Montréal jusqu'au 2 mai 2010.