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25 ans après le Référendum sur la Souveraineté: La ferveur retrouvée

28 mai 2005 (QIM) – Suite à notre manchette annonçant le spectacle commémoratif du 20 mai au Métropolis, une témoin oculaire nous donne un aperçu de l'événement. Un commentaire de la Vadrouilleuse autonome.

Ils ont fait la file une heure, rue Sainte-Catherine, afin d'avoir la meilleure place possible car ce soir, c'est admission générale au Métropolis. Ils discutent de l'indépendance du Québec sur le trottoir en se remémorant l'endroit exact où ils étaient, vingt-cinq ans plus tôt, le 20 mai 1980, le soir du référendum. Puis, on ouvre les portes. Ils s'empressent de se trouver la meilleure place possible. Le Métropolis se remplit dans le temps de le dire: il est plein d'indépendantistes de toutes sortes: en chaise roulante, avec une canne, de jeunes filles la bedaine à l'air, des femmes d'âge mûr, des jeunes aux cheveux frisés, les principaux acteurs indépendantistes des vingt-cinq dernières années sont aussi là: le Chef de l'Opposition officielle, Monsieur Bernard Landry, le Chef du Bloc Québécois, Monsieur Gilles Duceppe, des députés de l'Assemblée Nationale et de la Chambre des Communes: pour ces deniers, un spectacle suit un autre: Louise Harel, Pauline Marois, Jean-Pierre Charbonneau, Agnès Maltais, Serge Ménard; il y a aussi le progressiste Amir Kadir.

Après presque deux heures d'attente, Hélène Pednault, l'organisatrice de la soirée, avec Mouffe, ouvre la soirée avec un discours de circonstance dans lequel elle avise sans équivoque que la campagne électorale et référendaire est bel et bien commencée. Puis, c'est place aux artistes. La soirée est animée par Corneille et une Québécoise provenant d'une communauté ethnique dont je ne connais pas le nom, mais c'est sans importance puisque ce soir, au Métropolis, il n'y a que des Québécois, de toutes origines. Pendant quatre heures, ils vont enchanter les indépendantistes présents dans la salle. Il y a en a tellement eu qu'il nous est impossible de tous se les rappeler. Il est certain que j'en oublierai et je m'excuse d'avance auprès d'eux. Un Québécois d'origine sénégalaise vivant à Rimouski nous fait rire aux larmes avec ses contes d'inspiration moitié québécoise, moitié sénégalaise. Renée Claude nous émeut toujours autant dans un extrait de la comédie musicale Nelligan. Raymond Bouchard nous rappelle son arrivée de jeune comédien à Montréal où il habitait près du Carré St-Louis. Il y avait là, un poète qui se promenait en récitant ses poèmes: il s'appelait Gaston Miron. Bouchard nous récite deux magnifiques poèmes de Miron, nous rappelant la tragique inexistence du pays. On se plaît à se remémorer une strophe d'un de ses poèmes où il écrit: « Ça ne pourra pas toujours ne pas arriver ». Au fond de la scène, on peut voir des films présentant surtout la sphère terrestre de laquelle se détache le Québec. Il y a aussi Christopher Hall, inconnu pour moi mais pas pour l'assistance. Un spectateur lui scande: « We love you Christopher ». Il y va de son monologue sur le référendum de 1980 qui lui a valu une chicane familiale car il a essayé de convaincre ses parents de voter oui, lui n'ayant pas encore le droit de vote. Il semble qu'il ait été contraint de demeurer au sous-sol avec sa copine d'Alma pendant un bon bout de temps. Yann Perreau y va de sa chanson qui fait sautiller dessus sa chaise, la belle Amélie, ma voisine, qui "connaît toutes ses chansons par coeur". Pendant qu'il chante, on peut voir à l'écran les pieds d'une danseuse, puis, la caméra monte et nous voyons la jupe blanche voler; puis, la caméra nous montre l'artiste en entier, la belle Pauline Julien, toute de blanc vêtue, qui danse voluptueusement, faisant aller ses longs cheveux roux. C'est alors que mon voisin de droite, le père de la belle Amélie de tout à l'heure, me chuchote qu'il est content de la revoir. J'imagine qu'il n'est pas le seul dans la salle. Puis, il arrive, le grand poète de Natashquan, avec sa chanson-hymne "Les gens de mon pays", traduite et chantée en cinq langues pour la circonstance. Chacun y va de son couplet dans sa langue. C'est un moment solennel pour les indépendantistes et il nous permet d'entrevoir le Québec de demain, d'origines différentes, mais portant un même rêve. Vigneault quitte en rappelant aux spectateurs avant la pause qu'ils ont réussi à traduire les couplets, et qu'il ne reste maintenant qu’à traduire le tout en votes. Aucun spectateur ne s'est senti visé car aucun dans la salle n'a jamais pensé qu'il pouvait voter autre chose que OUI.

La deuxième partie est tout aussi remplie. L'écran nous permet d'entendre Pierre Bourgault, Gérald Godin accompagnée de Pauline Julien, et Gaston Miron. S'entretenant de l'indépendance, du pays à devenir, indubitablement, inéluctablement. François des Zappartistes y va de son numéro d'humour dans lequel il imite les chefs indépendantistes. Tous y passent, sans exception: Lucien Bouchard avec son air solennel, Bernard Landry pour lequel il débute en imitant un coq, allez savoir pourquoi; Gilles Duceppe et enfin René Lévesque. Il termine son numéro en suggérant la question du prochain référendum. Le présentateur vient de nous nommer le prochain artiste mais il se reprend car arrive dans la salle, Monsieur. Oui, j'ai bien dit Monsieur Jacques Parizeau. Il arrive, comme ça, en plein milieu du spectacle et tous se lèvent pour l'applaudir, lui serrer la main. Une spectatrice lui serre la main en lui disant: « on vous aime ». Tous savent dans la salle que c'est Monsieur qui a relevé le PQ à la fin des années 1990 alors que plusieurs organisations de circonscriptions étaient sous tutelle. C'est lui qui a conduit à ce que les indépendantistes considèrent "la victoire volée de 1995". Il est en retard car il agissait comme conférencier invité pour le lancement de la campagne de financement d'un candidat du Bloc Québécois d'un comté de la Rive-Sud. L'arrivée de Monsieur est un moment fort de la soirée. Puis, on continue: une chanson composée principalement pour la circonstance est présentée par son auteur. Une mini chorale nous interprète un couplet de la pièce "Nous aurons" de Richard Desjardins: « Nous aurons des corbeilles pleines de roses noires pour tuer la haine ». Trois femmes, dont Sylvie Tremblay, qui fait également une chanson en solo, et Renée Claude tout de noir vêtues interprètent à leur tour leur chanson. Marie-Denise Pelletier chante « Profond comme au large de l'île » de Vigneault; nous voyons à l'écran tout au long de la chanson, deux ailes blanches s'abattre sur la carte du Québec, pour finalement prendre la forme d'un bel oiseau qui s'envole. La carte et l'oiseau laissent alors leur place à des lettres qui viennent se poser, tantôt pour former un mot, tantôt pour en former un autre, pour finalement inscrire une citation de Bourgault: « L'indépendance, c'est voler de ses propres ailes ». Une chanteuse nous interprète en italien, une pièce composée par une Montréalaise d'origine italienne sur le thème de la liberté. Corneille nous dit ensuite que le prochain n'a pas besoin de présentation. Tout le monde se lève debout pour chanter avec lui la chanson sur le pays qui « a un ventre en or ». C'est Raoul Duguay qui envoûte littéralement la salle et rappelle à certains de merveilleux souvenirs de jeunesse. Corneille nous rappelle que les montréalais célébreront cette année, le trentième anniversaire de la Saint-Jean sur la montagne, organisée par Madame Payette. Une Québécoise d'origine argentine nous interprète la chanson de Jean-Pierre Ferland: « Un peu plus haut, un peu plus loin, je veux aller un peu plus loin » qui y avait alors été chantée par Ginette Reno. Elle est douée d'une superbe voix et nous fait vivre un autre point fort de la soirée. Paul Piché, à son tour, nous interprète "L'escalier". Lorsqu'il chante « Je me sentais seul comme une rivière abandonnée par des enfants », il dit l'émotion que plusieurs indépendantistes dans la salle ont ressenti un quart de siècle plus tôt. Ceux-ci trouvent l'escalier très long. Enfin, le groupe Loco Locass "casse la baraque", comme disent les Français, surtout avec sa chanson suggérant aux Québécois de se libérer des libéraux. Les jeunes dansent tels des sauterelles devant la salle; c'est l'euphorie. On ne se soucie plus de savoir si on cache la vue à quelqu'un, on saute, on chante, on vibre. Et le plaisir ultime survient lorsque le chanteur du groupe les invite à monter le rejoindre sur la scène pour terminer, et la chanson, et la soirée.

On sort de la salle émerveillés pendant deux ou trois jours de ces quatre heures exceptionnelles de chansons et on ne peut s'empêcher de penser, comme Miron, que « Ça ne pourra pas... toujours... ne pas arriver ».